Le prix du berceau

1,5 milliard d’euros, c’est le poids actuel de l’industrie que forment les crèches. Face aux crèches associatives ou celles des collectivités, les groupes privés sont devenus de véritables empires, nés en partie grâce au coup de pouce financier de l’État.

Mais derrière les couleurs pastel, les jolies plaquettes et les beaux discours, se cache parfois une réalité beaucoup plus sombre. Une réalité dans laquelle le personnel vient à manquer, où les repas sont insuffisants, ou bébés et enfants sont victimes de maltraitance. Une réalité dans laquelle la Direction veut créer toujours plus de places pour faire toujours plus de chiffres, où les bouts de chou s’apparentent à des cartes bleues sur pattes. Il a fallu un dérapage pour que le coup de projecteur soit mis sur ces lieux censés accueillir et éveiller nos enfants. En juin 2022, une employée d’une crèche de People&Baby avait fait ingérer du Destop à une petite fille de 11 mois, qui en est morte. Ce fut la goutte d’eau. Aujourd’hui, Daphné Gastaldi et Mathieu Périsse, journalistes d’investigation publient une enquête hautement choquante : « Le prix du berceau : ce que la privatisation des crèches fait aux enfants ». Et ce que contient l’ouvrage ferait froid dans le dos à n’importe quel parent.

Pour mener à bien ce documentaire, les auteurs ont recueilli des centaines de témoignages. Anciens directeurs de crèches, politiques, grands groupes, parents, auxiliaires de puériculture, parfois à visage découvert, ont pris la parole, plus souvent pour dénoncer que pour encenser. On apprend ainsi que certaines PMI (service de protection maternelle et infantile) ne font pas bien leur contrôle (quand elles le font), en privilégiant la vérification de l’hygiène et de la sécurité, au détriment du bien-être de l’enfant. On apprend encore que des directeurs touchent des primes sur la qualité des services, qualité qui comprend par exemple « le ratio repas commandés sur enfants présents ». Il y a aussi cette salariée, qui se retrouve seule à gérer neuf enfants en fin de journée, ces enfants attachés à une chaise car punis, cette petite fille oubliée dans la cabane du jardin, ou encore ce bébé qui n’a pas été changé de la journée ; les témoignages sont choquants.

Devenues un véritable business pour les grands groupes, les crèches sont, depuis la parution de cette enquête, à nouveau sous le feu des projecteurs. Une enquête qui n’est d’ailleurs pas sans rappeler une autre : « Les Fossoyeurs« , livre dans lequel Victor Castanet faisait des révélations inquiétantes sur le groupe Orpéa, leader mondial des Ehpad et des cliniques. Tout comme lui, Daphné Gastaldi et Mathieu Périsse nous ouvrent les yeux sur ces lieux censés protéger la prunelle de nos yeux, en nous expliquant comment on en est arrivé là et pourquoi. Un livre glaçant, mais nécessaire qui, on l’espère, aidera ceux qui sont derrière les commandes à prendre conscience qu’un enfant et le bien-être de ce dernier, ça ne s’achète pas.

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